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L'Antre des mots
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28 avril 2012

LES FILLES DE LA CAMPAGNE - EDNA O'BRIEN

 

 

 

 

C’est le premier livre d’Edna O’Brien publié en 1960 ;  un pavé dans la mare de l’Irlande catholique , moralisatrice,  intransigeante pour tout ce qui concerne les  mœurs et le  sexe, surtout quand il s’agit des femmes.

Kate et Baba sont deux amies toutes deux issues d’un village plein de tourbe,  d’humides pâturages et d’ennui. Kate vient d’un milieu modeste. Elle  perd sa mère tendrement admirée  dès son adolescence et se retrouve seule avec un  père alcoolique : une charge plus qu’un soutien. Le père de Baba est vétérinaire et sa famille jouit d’une certaine aisance. Baba ne peut se passer de l’amitié de Kate sur laquelle elle exerce cependant  une domination parfois cruelle. Elles vont poursuivre leurs études comme pensionnaires  dans un austère  couvent. Rapidement Baba l’insolente, ne supportant pas la discipline imposée,  fait scandale, entraînant Kate dans son  fracassant renvoi.

Elles s’échappent vers Dublin, lieu fantasmé de tous les possibles. Elles ont leur jeunesse, une   candide fraîcheur pour Kate et une audace frondeuse  pour Baba.… elles vivent  de petits boulots, logent dans  une pension et partent à la conquête de la gente masculine, espérant rencontrer quelques compagnons susceptibles  de les sortir agréablement de leur quotidien un peu morne en attendant le « bon parti », celui qui leur ouvrira un avenir radieux ! . Même si leurs espoirs sont le plus souvent déçus, leur rêve reste intact ; elles dépensent  leur maigre salaire en toilette et maquillage, toujours prêtes à conquérir le monde..

Kate fait la connaissance d’Eugène Gaillard, substitut de père, (il est beaucoup plus âgé qu’elle). Avec lui elle va vivre un bonheur accompli jusqu’à ce que le romantisme exacerbé de Kate  s’affronte à l’autorité ombrageuse d’Eugène qui supporte de plus en plus mal ses larmes et  ses états émotifs à répétition. Baba, elle, va épouser un homme frustre, vraie caricature du  parvenu  pour qui l’argent compense le manque d’éducation, mais  Baba s’accommode de cet homme qui lui permet une vie luxueuse et ferme les yeux sur ses écarts de conduite. Les deux amies continuent à se voir de temps en temps mais leurs chemins ne vont pas dans la même direction.

Ce roman captivant, très réaliste   nous fait suivre l’itinéraire de deux femmes que tout oppose. L’une, idéaliste, en  recherche de l’Amour absolu  ne récoltera en fin de compte que frustration ; l’autre, intrépide, fougueuse et volontiers irrévérencieuse  n’a que l’argent  pour ambition et mettra toute son énergie à atteindre son but , mais pour les deux, les espoirs de jeunesse s’évaporent  avec le temps ; après les folles entreprises pour se « caser » comme il faut,  l’âge de la maturité apporte  son lot de désillusions.

C’est un livre qui nous interpelle en tant que femmes, car il parle sans tabou de la sexualité féminine, ce qui était honteux à l’époque surtout pour des « filles de la campagne ». Il nous dit aussi combien il est difficile pour des jeunes filles, dans cette société misogyne refermée sur ses traditions, de se libérer de ce carcan moral et religieux  et  prendre sa vie en main. Les deux personnages nous sont proches dans leur quête respective d’émancipation, quête plus  éprouvante pour Kate car il y une vraie   dissonance entre son rêve et sa réalité.

L’écriture fluide de ce livre nous emporte dans un mouvement romanesque qui court sans faiblir sur plusieurs années. Edna O’Brien maîtrise aussi bien la forme que le fond. Il y a de belles impressions poétiques sur la nature sauvage de l’Irlande, sur les fleurs et les paysages chers à l’auteur. C’est souvent le point de vue de Kate que l’on partage  mais c’est parfois Baba qui nous parle avec son « foutu » franc parler ; cela donne quelques pages savoureuses, car Baba a le sens de l’humour et la métaphore d’une drôlerie  irrésistible!…

Un livre fort et dense et finalement pas si décalé que cela dans le temps.

PS : « Les filles de la campagne » a fait scandale à sa sortie. Il  fut interdit en Irlande et même brûlé ! Edna O’Brien a quitté (ou fui) sa terre natale  pour Londres.

 

Annie du B.

 

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Commentaires
C
Je ne connais pas encore Edna O'Brien, mais je vais la découvrir pendant le mois irlandais... par contre je crois que c'est un autre roman qui est dans ma Pal.
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