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L'Antre des mots
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4 décembre 2011

LIMONOV d'emmanuel CARRERE

 

 

Lorsque Limonov a appris que l’ouvrage que lui a consacré Emmanuel Carrère avait obtenu le prix Renaudot il a dit : « J’éprouve du plaisir, de la joie et même une joie méchante. La société et l’opinion française qui voulait que je sois politiquement correct ont dû finalement m’accepter tel que je suis grâce à ce livre ».

Ce commentaire illustre bien un aspect de  la personnalité de ce personnage inclassable voulant tellement ne ressembler qu’à lui-même, soucieux de toujours déjouer les catégories dans lesquelles on voudrait le faire entrer.

Difficile de retracer la vie de cet homme et pourtant Emmanuel Carrère s’y est employé et y a parfaitement réussi. Délicat aussi de s’attaquer à un personnage encore vivant dont les épisodes de vie sont aussi foisonnants, multiples, hétéroclites, étonnants qu’une fiction mais aussi parfois contestables quant à leurs orientations.

Limonov fascine-t-il ? oui sans doute aussi bien l’auteur que le lecteur, mais chez l’un et l’autre cette fascination reste malgré tout « distante » car Limonov s’il fait preuve d’une énergie et d’une résistance à toute épreuve, s’il excelle à nous entraîner dans l’aventure de sa vie, donne aussi l’impression de se construire une image d’anti-héros hors norme,  comme s’il était acteur d’un film qui serait sa vie et qu’il en écrirait le scénario en fonction de ses choix,  des circonstances, des opportunités.

S’il fallait qualifier ce personnage on pourrait dire que c’est un dissident « chronique » en recherche de continuelles ruptures. Il a traversé tant de situations, de conditions, de lieux, de milieux sociaux… que sa vie ressemble à une  quête jamais assouvie d’expériences parfois extrêmes,  destinées à lui apporter    reconnaissance,  notoriété,  gloire. Mais la réussite matérielle ne l’intéresse pas.

De son vrai nom Edouard Veniaminovich SAVENKO, il est né en 1943 dans un milieu assez modeste. Pendant son adolescence il recherche les mauvaises fréquentations, les mauvais coups. Vers 20 ans, se jugeant voyou raté, poète raté, il part pour Moscou, rencontre Anna, un peu folle, et fréquente le milieu underground dans lequel un authentique artiste est un artiste raté : sept  années de galère marquées par la faim et le froid. Puis c’est la découverte de New-York avec Héléna. Ils partent avec deux adresses en poche et beaucoup d’espoirs. Mais  la jet-set qu’ils côtoient les laisse en marge. Limonov se clochardise, devient majordome d’un riche homme d’affaires, et commence un travail d’écriture sur ses expériences : « Journal d’un raté », « le poète russe préfère les grands nègres », « histoire de son serviteur ».

Le « Journal d’un raté » fait parler de lui à Paris. Jean Jacques Pauvert se propose de l’éditer. Limonov quitte donc New-York et devient une star dans les cercles parisiens à la mode qu’il affectionne. Ses propos provocateurs sont de bon ton dans les milieux qu’il fréquente (attaque cruelle de Soljenitsyne qu’il traite de « vieux con »). Il vit avec Natacha, chanteuse aux troublantes disparitions. Le succès cependant s’estompe avec le temps. Il assiste de loin aux changements qui touchent son pays mais ne s’en réjouit pas. Il participe à « L’Idiot International ». Sa période parisienne assez faste malgré tout dure 9 ans. Il fait un saut dans son pays pour revoir Moscou et ses parents : le fossé entre eux est infranchissable. Il rencontre des militaires qui l’invitent à se joindre à eux dans la guerre des Balkans, côté serbe. Il prend les armes. Il fonde le parti « National Bolchevik » rassemblant quelques poignées de jeunes qui défendent des idées néo-fascistes, fait l’expérience d’un retour à la nature en compagnie d’un vieux guide qui cite Lao-Tseu et en 1991-92 se retrouve en prison pour divers motifs. Il en sortira avec les honneurs de la télévision.

Difficile de résumer une vie si chargée ; il faut, pour en prendre toute la mesure, lire ce livre aussi passionnant qu’un roman d’aventures quand il s’agit de Limonov mais  aussi plein d’enseignements sur tout un pan de l’histoire de l’union Soviétique.

Emmanuel Carrère emploie tout son talent à nous faire approcher d’un personnage sulfureux, audacieux, courageux, subversif, provocateur, pourfendeur de la démocratie, nostalgique du communisme, un personnage de légende parfois dérangeant qu’il ne se permet cependant  à aucun moment de juger.

Ce livre révèle un formidable travail d’enquête aussi bien sur Limonov que sur le contexte historique de l’Union Soviétique  de l’époque.

C’est enfin un livre qui nous donne quelques fragments autobiographiques de l’auteur, tout en modestie.

Annie du B

NB Emmanuel Carrère n’a jamais sollicité Limonov pas plus qu’il ne lui a  soumis la moindre page à sa  relecture.

Limonov envisage de se présenter contre Poutine aux prochaines élections de 2012.

 

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