Elle avait les yeux verts de Arnost LUSTIG

« Quand Hanka Kaudersová avait quinze ans, bientôt seize, elle avait le teint frais, des cheveux lustrés, bien peignés, qui n’avaient pas fini de repousser, et de beaux yeux verts ». Ce sont les dernières lignes de ce roman, le premier de cet auteur à être traduit du tchèque en français, par Erika Abrams.

« Les cheveux rouges et les yeux verts, elle se trouve sur la rampe de tri à Auschwitz. Elle survit. Une fois, deux fois, juste parce qu’elle sait saisir l’occasion, juste parce qu’elle n’a pas le choix. Hanka se fait prostituée dans un bordel militaire ».

L’auteur A. Lustig, décédé en février 2011, à l’âge de 84 ans, a connu les camps de concentration d’Auschwitz, de Buchenwald et s’est échappé d’un train qui le menait à Dachau, en 1942. Fasciné par les confessions des femmes qui ont survécu après l’horreur des camps, il écrit, en 2000, cette fiction qui dépasse l’entendement. Dès le deuxième chapitre, apparaît soudain en toutes lettres le chiffre douze, suivi d’une liste de noms. On ne comprend pas tout de suite mais d’autres listes réapparaîtront jusqu’à la fin du livre, tel un refrain : « … douze fois et plus par jour, tous les jours sauf le dimanche, et, parfois le dimanche aussi ». La monstruosité incarnée, insoutenable et difficilement imaginable, mais « elle pouvait se dire qu’en se déshabillant, elle enfilait en fait une bouée de sauvetage ». La jeune fille perdra tous les siens. Condamnée par son sang, elle survivra par son corps. Je m’aperçois qu’il est difficile de parler de cette histoire, presque surréaliste mais où pointe l’essentiel : « la douce haleine de l’espoir ».

Ce livre mord. Le sujet est grave, très grave et une phrase m’a fait suspendre un long moment ma lecture « Ils ont privé la mort de son mystère ».
mjo