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L'Antre des mots
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30 janvier 2010

Avec tes mains de Ahmed KALOUAZ

avec_tes_mains

Livre sélectionné dans le cadre du prix des lecteurs Angevins 2010, catégorie "romans"

Le livre commence avec une citation de Louis Aragon : « Tout ce qui fut sera, pour peu qu’on s’en souvienne ». Citation particulièrement adaptée au sort des Algériens que l’auteur va nous décrire sans concession aucune.

Le personnage principal de ce roman est le père de l’auteur : « Parler de toi, mon père, c’est remonter un fleuve en pirogue. A l’heure de ces premières lignes lancées sur le papier, je cherche le lieu où tu pourrais être en 1932. Ce sera le début. Il en faut un, puisque ces pages à venir, maintes fois repoussées, timidement viennent à moi ».

En 1932 donc, la vie ne lui sourit pas. Son père est mort pendant la 1ère guerre mondiale et sa mère l’a abandonné, il se nourrira grâce aux petits boulots qu’il pourra faire « avec ses mains ». En 1942, il est engagé sous l’uniforme du 6ème régiment de tirailleurs algériens, soldats vêtus de blanc, la taille prise par une ceinture noire. Après la guerre, il faut pouvoir nourrir la famille, le sol algérien ne le permet plus, alors commence l’exil. Seul d’abord, cet homme travaille à Grenoble pour la construction d’un pont avec beaucoup d’hommes qui se retrouvent dans la même situation que lui, des travailleurs manuels dont la France a besoin pour construire. La famille toute entière arrivera en 1954, l’auteur sera le dernier de cette fratrie né en Algérie. A partir des années 70, les grands chantiers s’achève, cette main d’œuvre doit se trouver de nouvelles filières pour travailler. Et puis, enfin, l’âge de la retraite arrive avec son rythme quotidien, ses habitudes, le vieillissement commence à montrer des signes pour laisser progressivement place à l’agonie.

Ce livre est une confession d’un fils meurtri et nombreuses sont les raisons de cette douleur déchirante : la misère dans laquelle la famille a toujours vécu, le manque de dignité à l’égard de ces immigrés travaillant dans des conditions déplorables, l’impossible intégration de ces familles condamnées à vivre entre elles dans des baraquements ou des logements de misère, l’absence de communication liée à l’illettrisme, le départ en pension au collège vécu comme un abandon, le tiraillement de cette génération travaillant pour la France se battant contre elle de l’autre côté de la Méditerranée, l’absence totale de marques d’affection de ce père dur comme un roc et enfin, cet enterrement sur le sol algérien privant la famille de tout lieu de recueillement.

Cette biographie est d’une richesse intense : outre la fresque historique des évènements ayant ponctué l’histoire de l’Algérie, il décrit très précisément le mal être des hommes déracinés.

C’est aussi un formidable regard sur la jeunesse d’aujourd’hui, le fruit de ces générations de transition. Je vous livre un extrait qui en dit long : « Trouvant à la rue plus d’attrait qu’un repas de famille, ils (les jeunes) apprendront les codes d’une nouvelle jungle, les petites combines et leurs dangers. Par rapport aux aînés que nous étions, ils seront d’une autre espèce, charriant dans leurs flancs, pour longtemps, des fêlures vives ».

C’est un très beau témoignage, court mais d’une grande intensité.

Annie

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Commentaires
A
Si la critique du livre vous a donné envie de le lire mais si vous hésitez encore, une rencontre avec Ahmed KALOUAZ s'impose : Mercredi 10 février 20h30/Médiathèque La Ranloue à Saint-Barthélémy.<br /> Rendez-vous à ne pas manquer !
K
merci
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