Une femme fuyant l'annonce David Grossman
Une femme fuyant l’annonce
David Grossman Seuil , Août 2011
Le titre : il ressemble au titre d’un tableau et c’est effectivement un tableau qui se déroule devant nous : celui d’un groupe de personnes liées par le sang, l’amour, la guerre et ce , durant plusieurs périodes : la guerre des 6 jours en 1967 et l’époque contemporaine du conflit opposant Israël aux Palestiniens.
Dans un premier temps , il faut accepter de ne pas comprendre grand-chose aux personnages : Ora, Avram et Ilan et aux événements dans les premières pages qui évoquent 1967, la guerre des 6 jours pendant lesquels ces trois jeunes gens nouent une relation à la « Jules et Jim »
p 19 La première phrase du texte :
« Hé toi la fille, tu vas te taire ! »
Cette injonction s’adresse à Ora qui crie dans son cauchemar…
Parler incessamment, c’est ce que va faire Ora dans la partie qui suit le prologue de 1967 et s’inscrit dans l’année 2000 : temps qui aurait dû être celui d’une randonnée avec son fils, Ofer, mais qui est celui de sa fuite dans la Galilée où elle devait marcher avec lui.
Son fils cadet s’est engagé volontairement dans une expédition militaire alors qu’il venait de finir son service militaire. Cette randonnée qu’il annule, Ora va la faire plutôt que d’attendre « l’annonce de la mort de son fils » lors de cette expédition dangereuse.
Elle entraîne avec elle Avram . Son mari Ilan et son fils aîné Adam sont partis aux Etats-Unis ; prenant de la distance avec elle.
Lors de cette marche forcée elle va « raconter » Ofer à Avram dont on comprend qu’il est le père naturel de ce jeune homme qu’il n’a pas élevé et qu’Ilan-en toute connaissance- a adopté comme son fils.
On comprend qu’Ora à l’époque de la guerre des 6 jours –en toute innocence-, a tiré au sort dans un chapeau, celui qui devait participer lors de la guerre des 6 jours à une mission extrêmement périlleuse (c’est Avram qui a été désigné) p 259 et on découvre le passé atroce de prisonnier d’Avram lors de la guerre des 6 jours et l’état dans lequel cette détention et les tortures subies l’ont laissé : p 155
On discerne ce que furent les liens amoureux entre Ora et les deux hommes, l’amitié exceptionnelle qui liait Avram et Ilan ; comme celle qui unit les deux fils d’Ora : Adam et Ofer . on voit comment cette narration est une renaissance entre Ora et Ofer………….
Tout réside en fait dans la puissance de narration : narrer Ofer à Avram, c’est le faire exister et éloigner la mort, de même lorsque la focalisation épouse le point de vue omniscient et qu’on revient à cette période troublée où Avram, blessé va tomber aux mains des Egyptiens ( récit réalisé par Ilan à Ora, la veille de la naissance d’Ofer ) ce sont par les paroles délirantes d’Avram captées par Ilan sur un poste radio de l’armée que nous en avons connaissance……..
Ce roman qui nous « précipite » au sens chimique dans la guerre au Moyen-Orient est d’autant plus émouvant que l’auteur l’a écrit alors que son propre fils était à l’armée, ce dernier en a lu les ébauches avant de mourir au combat …
David Grossman a fini son livre : l’annonce qu’il (elle) redoutait a eu lieu ; il n’a pas fui mais écrit, peut-être la seule façon de vivre son deuil………
Anne