Ouragan de Laurent GAUDE

Rentrée littéraire septembre 2010

La Nouvelle-Orléans va être balayée par un ouragan, toutes les radios l’annoncent, il faut évacuer. Mais, bien entendu, tous les hommes ne sont pas égaux devant le cataclysme. Certains pourront sauver leur vie sans difficulté, d’autres y mettront plus de temps, voire échoueront. 

Tous sont animés par un instinct de survie mais il incombe à chacun de fixer ses priorités pour les derniers instants qui lui restent à vivre. Certains penseront uniquement à sauver leur vie et prendront la fuite pour quitter cette côte maudite, d’autres au contraire voudront se libérer de secrets si lourds et passer aux réconciliations. D’autres encore décideront de rester à tout prix dans leur maison avec leurs proches, calfeutrés dans la hantise de l’évènement.

Bientôt, alors que Lower Ninth ne sera plus qu’un paysage dévasté, envahi par les eaux, la survie prendra un tout autre sens, se regrouper sur le stade pour assurer son évacuation avec les 20 000 autres individus réunis pour l’occasion, fuir la gueule des alligators affamés de chair encore chaude des premiers cadavres, s’abriter du nuage de pesticide saupoudré par les hélicoptères pour assainir les eaux souillées…

Laurent GAUDE signe ici un roman bouleversant qui nous fait vivre les instants successifs de la catastrophe naturelle (avant, pendant, les prémices de l’après) au fil des destins des protagonistes : cette femme noire de bientôt 100 ans, Joséphine Linc. Steelson, cet homme, Keanu Burns, de retour après 6 ans d’exil sur une plateforme pétrolière, cette jeune femme Rose et son fils Byron, ces prisonniers qu’une coupure d’électricité libèrera de leurs cellules, ce révérend qui voit sous ses yeux l’œuvre de Dieu et qui s’impose de l’achever à la vue d’êtres encore vivants…

Cette lecture est exigeante au niveau de la forme, de la structure. Son auteur dédie chronologiquement, à l’intérieur de chacun des chapitres, des passages entiers à chacun des personnages de son livre avant de passer au suivant sans plus d'explications, mais, au final, quel rythme ! 

Sur le fond aussi ! Laurent GAUDE réalise avec brio cette alternance entre le drame collectif de l’ouragan et  le destin individuel de chacun. Le parcours psychologique de ces personnages, au gré des heures qui s’égrennent et ne se ressemblent pas, est absolument remarquable.

Un coup de cœur pour cette femme, noire, de « bientôt 100 ans », magnifique. Elle, qui a connu l’évolution du statut des noirs en Amérique, garde la tête haute et s’attache à décider de son avenir en toute liberté, avec beaucoup de lucidité. Superbe ! Je vous livre l’une de ces citations : « Il y a de la noblesse à éprouver son insignifiance, de la noblesse à savoir qu’un coup de vent peut balayer nos vies et ne rien laisser derrière nous, pas même le vague souvenir d’une petite existence. »

A lire absolument !

Annie

Comments

[mjo]

Ce livre est mon premier coup de coeur de l'année 2011 ! Une écriture sublime, où chaque mot résonnait en moi. Des odeurs, des émotions fortes, des regards puissants, la terre qui reprend ses droits... et une composition parfaite.