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L'Antre des mots
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15 août 2010

Prodigieuses créatures de Tracy Chevalier

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4e de couverture : Dans les années 1810, à Lyme Regis, sur la côte du Dorset battue par les vents, Mary Anning découvre ses premiers fossiles et se passionne pour ces « prodigieuses créatures » dont l’existence remet en question toutes les théories sur la création du monde. Très vite, la jeune fille issue d’un milieu modeste se heurte aux préjugés de la communauté scientifique. Celle-ci, exclusivement composée d’hommes, la cantonne dans un rôle de figuration.Mary Anning trouve heureusement en Elisabeth Philpot une alliée inattendue. Cette vieille fille intelligente et acerbe, fascinée par les fossiles, l’accompagne dans ses explorations. Si leur amitié se double peu à peu d’une rivalité, elle reste leur meilleure arme face à l’hostilité générale.

Mon avis :

le sujet du livre, la passion de deux femmes - que tout sépare - pour la recherche de fossiles, au 19e siècle, est très original, captivant et instructif.

Plusieurs thèmes, abordés dans cette histoire vraie, romancée par l'auteure, m'ont presque fait passer nuit blanche :

- la vie des femmes dans les années 1800, qui ne sont que des "quantités négligeables", et dont nous découvrons l'impossibilité d'exister par elles-mêmes, vues de notre lorgnette du XXIe siècle, quoique : page 178 :

Lors de fouilles, Fanny, le chaperon, a été victime d'un éboulement de falaises et a frôlé la mort : Mr Buckland lui porte secours. ..."il a nettoyé le sang sur son visage et lui a fait tomber son bonnet... Pris dans une bourrasque, le bonnet est parti rouler sur la plage. La perte de son bonnet semblait bouleverser Fanny bien plus que le reste. "Mon bonnet ! il me faut mon bonnet. Maman me tuera si je ne l'ai plus !"

On rit jaune car, oui, au 21e siècle, des femmes se retrouvent encore à craindre de dévoiler leur tête, même dans des situations extrêmes.

- l'amitié de ces deux pionnières de fouilles paléontologiques marines :

. Elizabeth, d'une famille de notables, intelligente et au physique ingrat, deux défauts pour prétendre trouver un mari

. Mary, d'un milieu ouvrier, à l'instinct exacerbé, éprise de liberté au grand air marin, humide et venteux, ne retiendra le regard des hommes que pour ses qualités de grande professionnelle dans son domaine

- La jalousie demeure un sentiment universel, toujours très douloureux. La jalousie traverse les siècles sans une égratignure et viendra griffer, dans le cas présent, cette belle amitié.

- Le rôle de la religion dans les idées sur la création du monde. Le problème religieux taraude les scientifiques sur l'évolution du monde et l'intention de Dieu compte et pèse lourd. C'est très instructif.

Enfin

- un collectionneur et un chercheur ne sont pas animés par les mêmes motivations : lisez plutôt :

page 125 :

"les collectionneurs ont toujours une liste d'articles à se procurer et un cabinet de curiosités à garnir par le travail des autres. Il peut leur arriver d'aller sur la plage et de regarder les falaises d'un air renfrogné comme s'ils contemplaient une exposition de tableaux à mourir d'ennui. Ils ne peuvent pas se concentrer, car les rochers ont tous le même aspect à leurs yeux :... ils ne dénichent guère que quelques ammonites et autres bélemmites cassées, et ils s'arrogent le titre d'experts. Puis ils rachètent aux chasseurs de fossiles ce dont ils ont besoin pour compléter leur liste. Ils n'ont pas une compréhension réelle de ce qu'ils collectionnent, ni même une vraie curiosité. Ils savent que les fossiles sont à la mode, et cela leur suffit.

...Les chasseurs de fossiles, eux passent des heures et des heures dehors, jour après jour, par tous les temps, le visage brûlé par le soleil, les cheveux emmêlés par le vent, les yeux contamment plissés, les ongles abîmés. Nous étudions et comparons les specimens, et en tirons des conclusions".

Des longs passages sur la peinture dans "La jeune fille à la perle", la description de nombreuses recherches de fossiles (375 pages) dans "Prodigieuses créatures", confèrent le pouvoir, rare, d'imprimer dans notre cerveau l'atmosphère envoutante du sujet choisi par Tracy Chevalier. Et contrairement à certains livres que l'on dévore, certes, mais que l'on oublie très vite, les histoires de Tracy Chevalier sont agréablement sauvegardées dans notre "disque dur" et l'on peut partager longtemps, à notre grande surprise, le plaisir d'en parler, dans les détails.

Tout simplement magique !

mjo

 

 

 

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Commentaires
B
Très beaux portraits de deux femmes aux destins peu communs qui se lient d’amitié et que la seule passion pour les fossiles réunit. Leur différence de classe sociale ne les prédisposait en rien à se rencontrer.<br /> Tracy Chevalier construit à partir d’éléments historiques avérés un roman sensible. La passion des deux femmes, leur affection réciproque réussissent à bousculer une communauté scientifique machiste.<br /> Difficile de tourner la dernière page et regret de devoir quitter ces deux prodigieuses créatures que le style de Tracy Chevalier éclaire d’une lumière tamisée, filtrant les plus belles qualités de la gent féminine.<br /> Un roman féminin certes, mais non mièvre. <br /> Brigitte.
I
Oui, mjo, ce livre est une Perle ... un roman prenant qui nous envoûte (malgré l'abondance de descriptions de fossiles !!). Tracy Chevalier s'inspire de personnages réels, Mary Anning et Elizabeth Philipot, pour recréer une atmosphère unique, digne de la grande Jane Austen. J'ai Adoré ce livre, les qualités littéraires ne manquent pas. Classique dans son genre mais intemporel dans sa sensibilité, je le recommande aussi vivement.
A
Par le passé, j'avais déjà découvert cette écrivaine dans "la jeune fille à la perle" et "la dame à la licorne" qui m'ont laissé effectivement un très bon souvenir et mon "disque dur" ne me fait pas défaut... je vois encore des scènes que j'avais imaginées au gré des descriptions de Tracy Chevalier. Et bien, je crois que c'est encore un bon crû avec ce roman à en croîre le contenu de ta critique. Il ne me reste plus qu'une chose à faire, le récupérer très vite !
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