La nonne et le brigand de Frédérique DEGHELT
L’auteure, nous la connaissons bien à l’Antre des mots, « La grand-mère de Jade », « La vie d’une autre ». Ces deux premières références restent dans nos mémoires à jamais.
Et bien, je crois qu’il en sera ainsi pour « La nonne et le brigand ».
Quelques mots de l’histoire :
Lysange est une femme d’une quarantaine d’année, vivant avec John, de 15 ans son aîné, son plus tendre ami et père de ses enfants, des jumeaux. Son frère, Vincent, est décédé dans un accident et sa mère un an plus tard, presque jour pour jour. Lysange n’a jamais pu se contenter du seul amour de John, quelques mois après la naissance de ces enfants, elle sombrait déjà dans l’adultère, multipliant les amants. Celui dont elle partage actuellement une relation amoureuse, particulièrement fiévreuse, s’appelle Pierre, il est grand reporter dans les pays en guerre. Ces absences sont douloureuses à en mourir.
Et puis, il y a une autre histoire, celle d’une nonne, fille unique, née d’un père professeur de philosophie et d’une mère institutrice. Elle part de Gramat en mission vers Guajara Mirim, à la frontière de la Bolivie. Un homme, Angel, est chargé de l’accompagner et d’assurer sa sécurité à elle, ainsi que celle des provisions de médicaments, jusqu’à destination. Mais, il s’agit là d’une aventure périlleuse, à travers l’Amazonie. Cette histoire s’inscrit dans le passé et a fait l’objet d’un journal de bord rédigé par la nonne elle-même, dont Lysange procède à la lecture.
Quel lien entre ces deux histoires me direz-vous ? Un certain Tomas, exilé au Brésil. Et puis, un secret bien sûr, Mjo, rendez-vous page 381 !!!
Mon avis :
C’est un MAGNIFIQUE roman que nous livre Frédérique DEGHELT.
Sa plume est absolument superbe, sensuelle, toute en finesse et délicatesse, pleine de talent pour décrire la saveur et l’ardeur de l’amour, le romantisme. J’ai multiplié la prise de notes tout au long de ce roman, les phrases sont toutes plus belles les unes que les autres. Je ne peux résister à vous en livrer une parmi d’autres : « la valse de nos sentiments est une danse dans laquelle on ne peut faire entrer autre chose que ce tournoiement envoutant qui apaise la musique du coeur ».
La narration à la première personne du singulier est alternée, elle est tantôt prêtée à Lysange, tantôt à cette nonne… donnant tour à tour la première place à chacune de ces deux femmes.
Le contenu est particulièrement dense :
- il y a la foi de cette nonne, cet amour pour Dieu, toutes ces questions qu’elle se pose à l’aube de son dévouement, de son abnégation, se rappelant les paroles de Mère Stanislas : « La vie religieuse consiste à corriger ses défauts, à comprimer ses penchants. C’est la guerre ouverte contre la nature pour le triomphe de la grâce. »
- y est également dénoncée l’exploitation et le génocide des Indiens en Amazonie par ces Blancs, inhumains, tout ça pourquoi ? Et bien parce qu’ils disposaient d’une richesse, le caoutchouc, très convoitée.
- il y a cette belle forêt tropicale et ces images longuement décrites de la végétation, des fleuves, de la faune… on se croirait à bord des pirogues…
- et puis il y a l’amour entre les hommes et les femmes, marqué par l’instabilité : « … une histoire d’amour était comme une vie toute entière. Elle avait son propre destin et ses atermoiements. Parfois, elle ne s’accordait pas du tout à celui qui la vivait. Elle devenait alors un séisme, un si grand bouleversement qu’on ne pouvait plus la mener jusqu’au bout. Mais abandonner une histoire qui avait tant de personnalité, n’était-ce pas s’abandonner soi-même ? »
- et puisque Frédérique DEGHELT ne recule devant rien, elle ose ce passage magnifique où la Symphonie n° 29 de Mozart vient côtoyer le champ des insectes, les bruissements de la forêt tropicale, un instant décalé, totalement inattendu et d’une grâce toute singulière. Elle nous offre un grand moment de bonheur et de volupté. Vous aussi, voyagez avec Mozart : http://www.deezer.com/fr/music/result/all/mozart%20symphonie%2029#music/result/all/mozart%20symphonie%2029
Comme c’est beau et bon de se délecter le temps d’une Symphonie, laissant vagabonder notre imagination…
Annie