Profanes de Jeanne BENAMEUR
Actes Sud 2013
Octave Lassalle, nonagénaire solitaire, organise la fin de ses jours en embauchant 4 personnes qui se relaieront à son domicile afin d’effectuer des tâches particulières ; ce faisant-loin de figer des rituels qui préfigurent sa mort-il et il et elles redynamisent leurs vies au fur et à mesure de cette vie qui n’est cependant pas communautaire.
Tour à tour interviennent Marc Mazetti, Yolande Grange, Hélène Avèle, Béatrice Benoît
L’un s’occupera principalement d’entretenir le jardin, la deuxième, sa maison, la troisième sera chargée de peindre sa fille disparue à la manière des portraits du Fayoum, la dernière de veiller sur ses nuits.
Chacun d’eux dispose d’une chambre dans la grande demeure.
Est-ce parce qu’Olivier Lassalle est un ancien chirurgien qu’il a le don de disséquer ce que ces interactions produisent pour lui et chacun d’eux et qu’ainsi, il puisse aller au cœur des sentiments, du passé, des émois présents et enfuis ?
« Il se dirige lentement vers l’escalier, un fourmillement dans le dos. Ce sont les présences de ces quatre qui l’escortent. Il repense à ses visites, à la clinique, son équipe derrière lui. Il a tellement perdu l’habitude. Cette émotion-là, il n’avait pas anticipé »
Le théâtre se joue sur la scène de cette maison et de ce jardin mais aussi dans des lieux propres à chaque protagoniste, l’Afrique déchirée par les guerres, le haut de la colline où se réfugie Béatrice.
Octave Lassalle en est cependant le « metteur en scène », nommant chacun d’un haïku qui le définit, révélant les circonstances de la mort de Claire, sa fille et la déroute de son couple
Mais c’est la quête du sens de la vie de chacun qui prend pour eux cinq une valeur singulière :
« Je suis un vieux fou. Dans cette maison c’est moi qui continue à croire, envers et contre tout, qu’il y a quelque chose de plus fort que la mort, quelque chose de plus intéressant que la mort »
L’écriture adopte souvent le style indirect libre qui suit le cheminement de la pensée, ses interrogations
« Le chagrin a été ma seule boussole si longtemps. Maintenant ils sont là tous les quatre. C’est la seule carte du monde à laquelle je puisse me fier. Une carte, mouvante, vivante »..
Tout est d’une grande subtilité dans ce récit où chacun joue une partition qui va petit à petit entrer en « harmonie » avec celles des autres. C’est un texte qui résonne avec nos préoccupations, qui propose des remédiassions, qui met en question nos vies
Anne