Les heures silencieuses de Gaëlle JOSSE
Certains livres choisis pour la seule beauté de leur titre peuvent être de vraies révélations. Il en est ainsi « des heures silencieuses ».
En le lisant on éprouve un sentiment de gratitude pour l’auteur capable de provoquer en nous un tel enchantement.
Nous sommes à Delft en 1667 : Magdalena Van Beyeren, femme d’un riche armateur commence son journal qui couvre 15 journées, en évoquant le tableau (1) sur lequel elle a demandé au peintre M. De Wite de la représenter de dos. Ses raisons, elle nous les confiera plus tard. C’est une mère de famille nombreuse, elle-même aînée d’une fratrie de 5 filles ce qui lui a valu « l’honneur » de tenir la place du fils manquant et de seconder son père avec plaisir et fierté dans l’organisation des tâches nécessaires à l’affrètement des navires en commerce avec les comptoirs d’Asie et d’Afrique. Son mariage, bien que consenti, avec Pieter l’oblige à accepter la position d’épouse, de femme d’intérieur, de mère de famille, renonçant ainsi à sa jeunesse pleine "d’aventures" aux côtés de son père.
Elle confie à ce journal tout ce qu’elle ressent ou garde en elle : des mots qu’elle n’a jamais pu dire, des sentiments qu’elle n’a jamais pu avouer, des drames intimement vécus. C’est une femme de 36 ans sentant dans son corps les signes d’une maturité qui lui donne le sentiment que le meilleur de sa vie est derrière elle. C’est une femme inquiète aussi pour ses enfants : Catherina belle et orgueilleuse, Elisabeth humble, à la voix céleste, Jan honnête et plein de bon sens, Samuel passionné d’astronomie et de mathématiques et Frans enfin le « tout petit » qu’elle protège de peur qu’il ne soit emporté comme Gabriel dans sa toute jeunesse.
Les journées de Magdelena s’égrenent avec leurs joies ou leurs peines, les ombres ou les lumières des souvenirs.
Ces écrits de l’hiver, ces aveux de Magdalena « il ne se trouve personne pour les entendre et le cœur s’étouffe à les contenir ». Ils sont faits sur le ton d’une sobriété et d’une douceur qui ne cachent pas cependant les feux ardents qui consument Magdalena, résignée en apparence par nécessité (son devoir de femme ).
C’est un livre remarquable, émouvant, bouleversant même, d’une très grande beauté. En le refermant on a le sentiment d’une harmonie, d’un accord parfait entre le thème et le style.
C’est le premier roman de Gaëlle Josse qui est connue pour sa poésie. Celle-ci parcourt toutes les pages de son livre.
(1) le tableau d'Emmanuel De Witte qui est représenté sur la couverture : « intérior with a woman at the virginal ».
Annie du B