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L'Antre des mots
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30 novembre 2010

L’enquête – Ph. Claudel

l_enqu_te

Nous traversons des temps difficiles, vous n'êtes pas sans le savoir. Très difficiles. Qui pourrait prévoir ce que nous allons devenir, vous, moi, la planète... ? Rien n'est simple. Un peu d'eau ? Non ? Comme vous voulez. Après tout, si vous permettez, je peux bien me confier à vous, à mon poste, on est bien seul, terriblement seul, et vous êtes une sorte de médecin, n'est-ce pas ?
- Pas vraiment..., murmura l'Enquêteur.
- «Allez, ne soyez pas si modeste !» reprit le Responsable en lui tapant sur la cuisse.
Puis il inspira longuement, ferma les yeux, expira l'air, rouvrit les yeux.
- «Rappelez-moi le but exact de votre visite ?
- A vrai dire, ce n'est pas vraiment une visite. Je dois enquêter sur les suicides qui ont touché l'Entreprise.
- Les suicides ? Première nouvelle... On me les aura sans doute cachés. Mes collaborateurs savent qu'il ne faut pas me contrarier. Des suicides, pensez donc, si j'avais été au courant, Dieu seul sait ce que j'aurais pu faire ! Des suicides ?»

Mon avis :

De prime abord c’est donc une interrogation sur une vague de suicide dans une entreprise. C’est un roman qui prend la forme d’une parabole de notre société,  «un mythe moderne pour nous renvoyer à notre propre réalité*».

Après une lecture menée « tambour battant » j’ai essayé d’y voir plus clair, je me suis posée plusieurs questions, la première à partir du bandeau du livre où on lit la phrase suivante : «C’est en ne cherchant pas que tu trouveras ».

1ère question donc : l’enquêteur doit-il chercher ?

En fait, cet enquêteur est chargé de mener une investigation dont les résultats sont pour partie sous ses yeux et pour l’autre incompréhensible. C’est à-dire un monde que les hommes ont construit à savoir :

- un monde déshumanisé dont l’Entreprise est le corps tout entier. En effet, celle-ci est décrite comme, immense voire démesurée, tentaculaire.  Elle est aussi au cœur de la vie puisque les activités qu’elle recouvre font que tout le monde en dépend,

 

- Un monde formaté où les hommes se perdent dans le dédale des diktats qui les engloutissent, les isolent, les cloisonnent et où ils ne comprennent plus rien à rien. On reconnaît à la lecture, ça et là et même souvent, la métaphore caricaturale de situations vécues qui dépassent le cadre géographique de l’Entreprise qui s’inscrit dans un contexte urbain.

2ème question : Qui est responsable ?

La Société Anonyme, pas au sens juridique. Aucune raison sociale n’est nommée, il s’agit toujours de « l’Entreprise » et les personnages sont qualifiés seulement par des fonctions (le policier, le fondateur, le responsable, etc.). La dépersonnalisation est totale, et de ce fait l’irresponsabilité patente.

3ème question : Est-ce la fin d’une « l’humanité » au sein de l’Entreprises?

«L’homme est prêt à endurer beaucoup de choses. Pourquoi n’y-a-t-il pas plus de gens qui se suicident ? Dans ce roman les gens crient et personne ne les entend. Dans notre monde  il est de plus en plus difficile de trouver un interlocuteur* » dit Ph. Claudel et il ajoute il y a une « apathie citoyenne, la littérature est là justement pour éveiller le citoyen, la littérature est un acte de résistance* ».

Espoir donc dans la littérature, la résistance !...

 

Un roman inclassable, «un voyage dans les genres littéraires »*, assez déroutant.

Brigitte.

«* »Phrases relevées lors de la dernière intervention de Ph. Claudel à la grande librairie.

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Commentaires
M
J’ai lu ce roman d’une seule traite, et l’écriture de Philippe Claudel y est pour beaucoup.<br /> On croit d’abord à un mauvais rêve, avec des séquences ultra drôles au début puis on réalise que ce monde deshumanisé est à notre porte et on ne rit plus mais on tourne les pages, vite, pour savoir jusqu’où l’imagination de Claudel va nous mener. Il y a du Kafka dans ce roman, effectivement inclassable mais à lire ne serait-ce que pour prendre conscience de pouvoir jouir, encore, de la liberté fondamentale : « se penser en tant qu’individu ayant une volonté, le choix de ses actions ».
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