Nous vivrons d'espoir Claudine HUTCHINZGER
Nous vivrons d’espoir
Claudine Hutchinzger (2010)
C’est une fille sur les traces de sa mère. C’est à travers la correspondance que cette dernière a entretenu avec Thérèse sa camarade d’études, qu’elle découvre une femme passionnée.
En tant qu’auteur, elle reconstitue patiemment, en démêlant l’écheveau compliqué des sentiments qui animent ces deux étudiantes qui se préparent à l’enseignement. L’époque, c’est l’avant-guerre, une mentalité qui n’admet pas facilement les amours homosexuelles, la montée des périls aiguise les positions des deux femmes, puis la vie se poursuit………..
Drame d’un trio dont Emma est le pôle solaire, c’est elle qui est « trop sûre d’elle-même » comme le lui écrit son amie Marcelle, c’est elle dont est amoureux Karl, l’Allemand lettré qui fuit l’Allemagne nazie, c’est elle, enfin qui se laissera épouser par Marcel, un Alsacien viril, séduisant et brutal, qui- l’Alsace annexée- appartiendra au parti nazi…. Et Emma pourvue de six enfants n’est guère mieux lotie que les servantes de la maison, aime et hait à la fois ce mari tout en se souciant du sort de Thérèse. Ce qu’elle en apprendra à la fin de la guerre est terrible : engagée dans
la Résistance
, Thérèse a été torturée dans la prison de Rennes….Karl lui aussi est mort.
Après le décès de Marcel, pour redresser la situation financière, Emma reprend l’enseignement et marque durablement ses étudiants par son charisme et l’amour de la littérature qui l’a toujours animée.
Et c’est pourquoi la découverte (qu’elle laisse sciemment à ses enfants) des correspondances qu’elle a entretenues avec ses amies, Marcelle, puis Thérèse jusqu’à la séparation en 38 née de leurs choix et scellée définitivement par la guerre invite sa fille Christiane, sa fille, l’auteur de ce texte à restituer leurs existences qui « vivront d’espoir » selon le mot du poète Paul Eluard, cité p 188
« En dépit des pierres
A figure d’homme
Nous rirons encore
En dépit des cœurs
Noirs et mortels
Nous vivrons d’espoir »
Ce qui est touchant dans ce texte c’est à la fois le « tombeau » dressé à ses deux femmes, c’est aussi la complexité des situations et des sentiments qui est posé dans une époque où les choix posés par l’une et l’autre se trouvent exacerbés. L’auteur est à la fois proche et distante de cette réalité qu’elle a vécue, petite, en « aveugle » comme nous le sommes tous concernant la vie intime de nos parents, elle sait en restituer par une langue travaillée toute la teneur.