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L'Antre des mots
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18 mars 2010

Lily et Braine/C. Gailly

Lily_et_Braine

Braine vient de passer trois mois dans un hôpital militaire. Il a été gravement commotionné. Il peut de nouveau dire, lire et écrire son nom. Il va rentrer à la maison. Lily l’attend. Il est de retour. Il arrive. Souhaitons-leur de vivre enfin heureux.

Braine est un survivant : trois ans d'absence, on ne sait où exactement, mais on apprend que c'était la guerre, que Braine était soldat, qu'il est sorti des combats abîmé, le corps maigre, le coeur et l'âme brisés.

Lily et Braine ressemble au roman d'une renaissance :

-         le retour à la vie de Braine,

-          la patience attentive et tendre de Lily,

-          la réintégration dans le monde du travail

Une anxiété diffuse enveloppe pourtant le récit.  Comme une menace muette. Menace que concrétisent deux objets, l'un et l'autre cachés par Lily sur l'armoire, «où elle cache toujours ce qui doit rester hors de portée, perdu de vue. Pour la sécurité de la famille » : un pistolet automatique rapporté du front par Braine, et un bugle, instrument de musique qui renvoie à une phase bien antérieure de sa vie, lorsqu'il était musicien de jazz...

Difficile d’aller plus loin dans ce roman, rebelle à toute tentative de résumé. Il faut attendre la toute dernière page pour comprendre sur quel chemin l’auteur nous a conduit.

Christian Gailly semble réaliser à travers ce roman le fantasme de sa vie : vivre de la musique et pour la musique quitte à tout perdre. Lui, qui dans sa propre vie n’est pas allé jusqu’au bout de sa passion signe-t-il ce roman comme pour mettre une fin à ce qui le hante ?

Lily et Braine sont à la recherche d’un bonheur impossible, elle avec lui et lui avec la musique. Du même coup ils ne sont pas vraiment ensemble. Les deux personnages poursuivent leur vie avec une certaine fatalité, impuissant à rendre l’autre heureux. Pourtant ils s’aiment. De ce roman émane un très grand respect de la liberté.

Un livre qui se lit entre les lignes, dont le rythme est comme le jazz une véritable discussion entre des âmes qui se cherchent. 

Une écriture simple en apparence. Gailly ne s’encombre pas des fioritures. Style très épuré, Durassien et musical. (Des sons, des silences (des non dits), des couleurs composent une mélodie parfaite)

J’aime la générosité de Lily, l’absurde de certaines situations fortes et belles.

Braine est dans la vie et en dehors de la vie (étranger). Ce qui nous est donné n’est pas dit. C’est le rythme très musical qui ponctue notre cheminement. Les personnages échangent comme le bruit de fond d’un orchestre de jazz, qu’on entend sans entendre, toujours là présent et qui, s’il s’arrête nous fait réagir.

Oui le silence a une grande importance en musique, comme dans la vie. L’essentiel n’est jamais dans ce qui est dit, les mots ne semblent pas toujours suffire à exprimer nos émotions les plus sensibles. Il y a bien ce bruit d’orchestre jazz derrière,  une ambiance de fumée, d’alcool et de sperme !...  une ambiance de vie et de mort. Mais qu’est-ce que la vie pour Braine ? Sans la musique une très grande solitude. Et Lily  dans tout cela ?

Braine a saisi l’opportunité de ne plus travailler pour son beau père, il monte un orchestre de jazz. Mais pour être un grand musicien il faut sacrifier beaucoup. Je pense que c’est cette histoire là que Gailly veut nous raconter.

Alors oui Gailly a raison l’art, et pour ce qui le concerne la musique qui se joue, qui plus est, en orchestre, donne une vraie raison de vivre. Je comprends qu’il soit aussi pessimiste de n’avoir pu réaliser sa passion. Mais, même si sa pratique de la littérature paraît plus solitaire, qu’il n’oublie pas que ses lecteurs sont autant d’auditeurs qu’une seule salle de concert ne pourrait contenir. L’absurdité de la vie et plus encore celle apparente de la mort ne sont pas vaines.

Brigitte

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Commentaires
M
Brigitte, tes commentaires sur ce livre me touchent beaucoup ! Maintenant que je l'ai dévoré, je goûte chaque ligne de ton billet et...je lis entre les lignes ton ressenti, pointu, sur Lily et Braine, personnages complexes, rongés par la passion de Braine.
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